THÉÂTRE D'ANATOMIE FANTASTIQUE

 

BOIS / LATEX / LUMIÈRE.

 

Ce travail est une mise en perspective artistique et anthropologique du monde contemporain en prenant le corps humain comme partenaire de réflexion.

 

J’essayerais de dégager les enjeux idéologiques et utopiques qui sous tendent les discours dominants liés à la pureté du corps et à sa transgression. J’aborderais le thème de sa transformation, de sa mutation dans les attitudes culturelles et scientifiques actuelles.

 

Évidement un sujet aussi vaste ne me laisse pas sans m’interroger sur mon propre corps et sur son usage social. Car dans ce cas mon corps et mon esprit sont considéré comme un tout exploratoire, support de recherches, terrain d’expériences qui ne sont pas sans risques pour l’individu comme pour son entourage.

 

L’entreprise est une tentative d’approche des zones limites de l’expérience du corps et de sa portée symbolique et prospective dans les nouvelles mythologies du vivant en gestation.

 

Genèse des formes.

 

Pour exprimer plastiquement ces idées il me fallait une matière naturelle qui me permette d’imaginer une technique catalytique réunissant différents savoir faire. Celle qui me parut la plus appropriée, la plus chargée de multiples référents fut le caoutchouc végétal, sécrété par l’hévéa (Ficus elastica), arbre d’origine sud américaine.

Le sang liquide de cet arbre, le latex en coagulant au contact de l’air se transforme en une peau végétale, le caoutchouc. Cette transformation de la matière me fascina et me permit de continuer à développer une réflexion sur le corps humain et ses modifications. Avec cette peau végétale, je pouvais représenter mes préoccupations, mes peurs, mes espoirs en essayant d’exprimer le coté fugace et périssable de la condition humaine et d’affirmer la nécessité de créer des imaginaires partagés.

Ces réflexions ont données lieu à des travaux intitulés " La chambre de procréation assistée par l’imaginaire " ou " Traité d’anatomie bio-sensible " ou " Adam et Eve : La chute vers l’humanité ".

Plusieurs titres, plusieurs sujets d’inspiration, plusieurs techniques, plusieurs morceaux à remembrer pour y faire jaillir du sens, du sang, du sperme, de la sueur, en somme de la vie.

 

La chambre de Procréatique.

 

La Chambre de Procréatique s’inscrit dans une réflexion sur les processus évolutifs de l’image et de la forme du corps humain.

Cette pièce a été conçue pour servir de support de réflexion aux problèmes contemporains de la procréation.

Elle explore les comportements humains liés à la sexualité, aux différentes combinatoires des jeux amoureux et aux mythologies de la fécondité.

Elle tente de mettre en lumière le changement radical de modèle qui s’opère à l’égard des systèmes de représentation du corps humain et des enjeux idéologiques qui sous-tendent le développement des biotechnologies.

 

Cette pièce hybride apparaît sous la forme d’un lit à baldaquin et d’une chambre d’opération. Elle est composée d’une structure cubique en bois sur laquelle sont tendues six peaux végétales en caoutchouc représentant les axes d’orientation spatiaux de l’être humain (4 points cardinaux, le zénith et le nadir). Sur chacune des peaux végétales apparaissent par transparence des images recomposées du corps de l’homme et de la femme.

Adam, l’Homme du Nord, la poitrine ouverte, est entouré de sept organes internes: le cœur, le cerveau, les poumons, les reins, le foie, les intestins, le pénis.

Eve, la Femme du Sud, relevant son voile est reliée aux sept organes externes: les yeux, le nez, les oreilles, la bouche, les seins, le vagin, l’anus.

La Verge de l’Ouest est accompagné de vases fécondants dans lesquelles flottent des embryons d’espèces variées ainsi qu’une grossesse masculine intra abdominale.

La Vulve de l’Est regroupe des homonculus dans des vases en gestation, matrice biologique intra et extra utérine.

Les Amants du Nadir sont allongés sur le lit prêt à se noyer dans l’extase amoureuse.

L’Androgyne Zénithal regarde de ses yeux émaillés les ébats érotiques des dieux.

Ces images ont été puisées dans l’imaginaire visuel créé, au cours des âges, par les artistes anatomistes de plusieurs cultures. Elles sont incrustées d’éléments quotidiens touchant aux usages du corps (plantes, graines, médicaments, céréales, aliments, pierres, métaux...) qui rentrent en résonance avec des pratiques ancestrales.

Ce travail est conçu pour accueillir les ébats amoureux d’amants exaltés par les feux de l’amour ou/et par les propriétés fécondantes d’une procréation assistée par l’imaginaire.

 

Ce dispositif est réalisé pour générer de la convivialité, des discussions, des passions autour et dans la pièce sur des sujets tel que l’amour, le corps, la procréation, etc.

Elle peut servir, selon les usages, de lieu de rencontre, de chambre des festins, d’alcôve amoureuse, de chambre d’accouchement, de cénacle pédagogique, de caverne des fantasmes, d’agora philosophique ou de temple pour accomplir les rites imaginaires d’une humanité en devenir.

 

Armoire à prothèses

 

La chambre est accompagnée des armoires à prothèses qui renferment des objets en caoutchouc touchant aux usages du corps tels que: costumes, masques, gants, cheveux, nez, bouches, ventres, seins...

Chaque participant peut ainsi composer son propre personnage selon ses humeurs et ses envies, il peut recréer accompagné d’ami(e)s la genèse de la vie au cours d’une longue nuit d’exaltation.

 

Les pratiques de ces militants des temps intenses sont liées à des tendances comportementales émergeant dans la société, qui répondent aux désirs de spectacle, de travestissement, de déguisement, de transgression, en mettant en jeu les fantasmes des participants dans une combinatoire sensuelle ou toutes les sources de jouissance des sens sont explorées.

Pour descendre dans les méandres des fantaisies les plus audacieuses, ils utilisent des combinaisons en caoutchouc, comme une deuxième peau témoin de leurs expériences, comme une carte ou sont tracé leurs parcours initiatiques qui raconteraient leurs rencontres avec Éros, Dionysos, et Thanatos.

 

Cette deuxième peau végétale joue un rôle protecteur, c'est l’ultime frontière des désirs avant l’abandon complet des sens aux plaisirs.

Ils s’égarent volontairement dans des contrées peu explorées, celles ou l’on peut jouir de son corps et de sa liberté avec les autres.